Jean Neveu, un homme de coeur

Quiconque a eu la chance de voir Jean Neveu présider une assemblée générale des actionnaires de Quebecor a pu mesurer la stature du personnage, sa bienveillance bourrue et son autorité naturelle. Après la disparition de Pierre Péladeau, Jean Neveu est naturellement devenu la nouvelle figure emblématique de Québecor, son second pater familias à la force tranquille rassurante. Incarnant à la fois la solidité de l’expérience et la volonté d’innover, ce précieux conseiller a su guider Pierre-Karl Péladeau et garantir une transition intergénérationnelle harmonieuse à la tête de l’entreprise.

Jean Neveu, qui faisait partie du groupe des pionniers de l’émergence du Québec inc. et pour qui l’affirmation d’un peuple passait avant tout par son émancipation économique et par la maîtrise des leviers de son développement, avait fait très tôt le pari de l’économie et des affaires. Ce véritable bâtisseur, un fort en chiffres doté d’une vision stratégique et d’une intuition extraordinaires, a non seulement contribué à la réussite de Québecor, mais a aussi ouvert la voie à bien d’autres succès québécois.

À l’aube de ce qu’on a appelé la Révolution tranquille, Jean Neveu, d’origine et de conditions modestes, s’est dirigé vers les sciences comptables – orientation peu prisée de ses pairs à l’époque – afin de participer à l’édification d’entreprises sous la gouverne de Canadiens français.

Loin de vouloir se venger de l’Histoire ou de supplanter quiconque, il entendait simplement prendre sa place pour en faire profiter les siens. L’enrichissement collectif de ses compatriotes lui tenait à cœur plus que tout.

D’abord recruté par un autre grand bâtisseur du Québec inc., Rémi Marcoux, il se joint à Québecor en 1969 à titre de contrôleur. Jusqu’en 1979, ce professionnel minutieux et clairvoyant se retrouve à divers postes administratifs, semblant lire dans les états financiers de l’entreprise des secrets invisibles au commun des mortels. Ses conseils, il va sans dire, sont très recherchés. Entrepreneur dans l’âme, il quitte Pierre Péladeau pour fonder une nouvelle entreprise de distribution, avant de regagner les rangs de Québecor en 1988. Il y sera vice-président aux quotidiens puis premier vice-président. Par la suite, il occupera une foule de postes clés dans l’entreprise.

En décembre 1997, il accède au poste de président et chef de la direction de Québecor, poste qu’il jusqu’en avril 1999, année où il devient président de son conseil d’administration. Depuis 2001, il était devenu administrateur, puis président du conseil de Groupe TVA. Enfin, Jean Neveu siégeait également au conseil d’administration de Quebecor Media. Dirigeant émérite d’une entreprise qui fût le plus important imprimeur commercial de la planète, Jean Neveu faisait preuve d’une intégrité exceptionnelle bien avant que les notions d’éthique revêtent l’importance qu’on leur reconnaît aujourd’hui. Il s’agissait pour lui d’une valeur fondamentale et non pas d’une règle de gouvernance imposée. Capable d’une empathie et d’une écoute que sa stature physique et mentale ne suggérait pas d’emblée, ce personnage imposant, franc et direct, qui aurait si facilement pu inspirer la crainte, faisait preuve d’une disponibilité et d’une générosité remarquables, et était capable d’une surprenante délicatesse.

Le cœur sur la main, Jean puisait ses plus grandes satisfactions dans l’entraide et l’amitié. Actif au sein de nombreuses instances à caractère social, économique et culturel, il consacrait temps et énergie à épauler sa communauté. En droite ligne avec la philosophie de Québecor et de son fondateur, il croyait fermement que l’action philanthropique et la participation de chacun au développement de nos collectivités soient essentielles au bien-être socioéconomique de nos concitoyens.

Jean Neveu appartenait à cette race d’êtres plus grands que nature dont l’existence même est un appel au dépassement, des êtres que l’on finit par croire éternels et qui laissent sur leur entourage une empreinte indélébile. Le Québec a perdu l’un de ses plus nobles fils. ll demeurera pour nous tous un modèle à suivre, un monument d’humanité, bref, un grand homme.

– J. SERGE SASSEVILLE. 2013, no 174, Magazine Forces 


À titre de bénévole depuis quinze ans, M. Neveu agissait comme président du conseil d’administration du Pavillon Pierre-Péladeau. Il a contribué à aider des milliers d’hommes souffrant de problèmes de dépendance et a puisé son inspiration dans son histoire personnelle, lui-même ayant souffert de problèmes de dépendances à l’alcool. Lors de son décès, en 2011, Jean Neveu fêtait sa vingt-septième année dans la sobriété, soit un exemple supplémentaire de la grandeur de l’homme qu’il était.